
Combien de fois avons-nous entendu : « Nous manquons de logements pour les travailleurs saisonniers » ? Cette problématique récurrente ne cesse de revenir sur la table, hiver après hiver. Beaucoup en parlent, en débattent, mais peu d’actions sont réellement menées. Avant de chercher des solutions, il est important de dresser un état des lieux et de rétablir quelques vérités.
Définition : Un travailleur saisonnier est souvent une personne de nationalité non résidente qui vient offrir ses services de manière temporaire lors de fortes affluences touristiques, par exemple. Contrairement à un contrat à durée indéterminée (CDI), un saisonnier recherche généralement un emploi d’une durée limitée, avec l'objectif de maximiser ses gains avant de poursuivre son chemin ailleurs dans le monde, que ce soit pour travailler à nouveau dans un cadre saisonnier (comme au bord de la mer) ou pour profiter de quelques mois de voyage ou de repos mérité. Ils cherchent donc à maximiser leurs gains tout en minimisant leurs dépenses, et, si possible, à profiter du mode de vie de la région (ski, fête, etc.) au cœur de l’action.

D’un autre côté, un propriétaire d’un bien immobilier (appartement) où le foncier est très cher, et face à une demande de location touristique très forte en haute saison, se retrouve face à un dilemme : proposer son logement à un saisonnier à un tarif abordable ou maximiser la rentabilité de son bien par une location hebdomadaire à un vacancier, tout en évitant les risques de dommages.
Il faut être réaliste : bien que de nombreux saisonniers soient des gens honnêtes et respectables, combien de propriétaires se sont retrouvés avec leurs biens dégradés, des plaintes du voisinage dues à des fêtes à répétition, des loyers impayés, ou de la sous-location abusive ? Malheureusement, louer à un saisonnier est risqué et fait peur à de nombreux propriétaires, qui préfèrent souvent louer leur bien à l’année au « gars du coin ».

Quant aux nouveaux propriétaires qui viennent d’acheter un appartement à rénover à 18’000 CHF/m² et qui ont ajouté 5’000 CHF/m² pour les travaux, la location à un saisonnier n’est absolument pas rentable ! Les saisonniers doivent accepter la réalité : pour bénéficier d’un logement bon marché, il faut être prêt à s’éloigner des lieux attractifs.
Alors, que faire ? Qui doit prendre cette problématique en main ? Il est vrai que sans les saisonniers, nous ne pourrions pas accueillir nos hôtes correctement dans nos lieux touristiques, et il est impératif de trouver des solutions ensemble.

Il serait utopique de croire que les autorités régleront ce problème à elles seules. La solution se construira entre le secteur privé et les autorités. Des solutions existent ailleurs pour des problématiques similaires. Il suffit d’explorer, de tester, de simplifier et de promouvoir. Les solutions sont multiples. Voici quelques suggestions ci-dessous :

Le logement en van s’est largement démocratisé ces dernières années. Autrefois assimilé au camping ou à la précarité, ce mode de vie est désormais reconnu comme une véritable alternative de logement. Grâce au confort des vans équipés de cuisines, de chauffages et parfois de douches, ils représentent une option mobile et compacte très appréciée.
LIEU : Le parking St-Marc est actuellement le seul emplacement autorisé. Cependant, pourquoi ne pas envisager d'offrir davantage de zones dédiées aux saisonniers et aux visiteurs de passage ?

Le logement étudiant ou Co-living est sans conteste le modèle qui répond le mieux aux besoins des travailleurs saisonniers. Développé sur les campus universitaires, ce concept est particulièrement ingénieux. Il consiste à proposer plusieurs chambres privatives entourées de services communs à partager, tels que le salon, la cuisine, la buanderie, et même des espaces de salle de bain. Ce modèle très intéressant offre des possibilités flexibles pour loger les saisonniers en hiver tout en permettant d’accueillir des camps sportifs ou de jeunesse pendant l'été.
Proposition : Actuellement, ce modèle n’existe pas dans notre commune, mais il devrait bénéficier d’une majoration de densité, à l'instar de l'hôtellerie, afin d'encourager sa construction. De plus, la création d'un fonds pour les commerçants ou d'un collectif communal pourrait également favoriser sa réalisation.

Le studio, considéré comme le plus petit format de logement, est sans conteste celui qui suscite le plus d'intérêt. Malheureusement, c'est également la taille qui se loue le mieux sur des plateformes telles qu'« Airbnb », rendant ainsi ce type de logement plus rentable pour la location de vacances que pour une location à des saisonniers. Néanmoins, il demeure l'un des formats les plus prometteurs à développer dans notre région.
Proposition sur quota : Ne devrions-nous pas envisager de modifier la limitation du quota de construction en résidence principale afin de favoriser leur développement ?

Imaginé et réalisé dans les pays asiatiques, ce nouveau type de logement est très intéressant en termes de « densification » sur des terrains coûteux. Les exemples architecturaux récents montrent que le design et la qualité spatiale de ces mini-espaces ont considérablement progressé en matière de confort. Dans certaines stations de ski américaines, des projets similaires ont déjà été réalisés dans les centres. Mieux qu'un dortoir, ce modèle offre une véritable intimité. Actuellement, ce type de logement n'existe pas dans notre commune.
Proposition : Le règlement sur les parkings du RCCZ et la majoration de la densité devraient être revus pour promouvoir ce type de modèle.

La loi fédérale suisse impose un quota minimum d'abris PC pour protéger la population en cas de conflit. Notre commune dispose de nombreux abris de ce type sur son territoire. Actuellement, ces logements, spartiate et simplistes, pourraient être « redesignés » et leur confort amélioré, tout en conservant leur fonction d'abri. Cela permettrait d'offrir un logement souterrain de qualité supérieure pour nos saisonniers.
Pour donner un exemple, à l'époque, les abris PC du Centre sportif et sous le Dzyardis au Châble étaient utilisés comme auberge de jeunesse..
Proposition : Lancer un projet test pour aménager et améliorer l’un de nos abris PC afin d'offrir un logement de qualité à nos saisonniers.

Tout comme dans les villes où le manque de logement se fait sentir, une nouvelle approche « sociale et collaborative » émerge. Certaines familles sont prêtes à mettre à disposition une chambre en échange de quelques heures de garde d'enfants ou de ménage. De même, certains aînés disposant de pièces vides seraient ravis de proposer une chambre en échange de compagnie, d'assistance pour faire les courses, ou de transport pour se rendre chez le médecin.
Proposition : Une campagne de sensibilisation pourrait être organisée pour promouvoir ce type d'échange gagnant-gagnant.

Dans le milieu agricole, c'est monnaie courante. La mise à disposition d'un logement de fonction par l'employeur, que ce soit dans l'établissement ou à proximité, est courante. Cela facilite l'engagement de nouveaux talents tout en renforçant l'implication des collaborateurs dans l'établissement. Ainsi, il serait plus aisé pour l'employeur de recruter du personnel à l'avenir.
Proposition : Les commerçants devraient créer un réseau et un fonds pour construire ce type d'établissement. En cas de rénovation d'un établissement commercial ou touristique, ce type de logement devrait bénéficier d'une majoration de densité dans le RCCZ.

L'une des solutions économiques et rapidement réalisables serait l'installation d'« hôtels modulaires » temporaires, pouvant être montés et démontés selon la saison. Ce type de logement compact et confortable pourrait répondre de manière flexible à la demande des travailleurs saisonniers.
Proposition : Actuellement soumis à des autorisations de construire, à des taxes de raccordement et à des restrictions concernant la résidence principale, les autorités communales devraient « simplifier » ces procédures. Cela pourrait se faire par des assouplissements administratifs ou par la création de zones « camping » pour offrir plus de flexibilité dans leur installation.

Une des pistes soulevées par le conseil général est la reconversion de bâtiments sous-exploités situés sur notre commune. Cela inclut notamment le bâtiment des ouvriers ayant participé à la construction du barrage, ainsi que l'ancienne école de Fionnay. Nous pourrions également envisager la transformation d'anciennes gares de télésièges dans les montagnes ou de granges dans les villages. L'idée est d'exploiter le foncier existant détenu par la commune pour le revaloriser en réponse aux besoins de la région.
Proposition :Â Modifier l'affectation de ces zones dans le PAZ afin de permettre leur reconversion en logements saisonniers ou pour la population locale.
Pour conclure, des solutions pragmatiques existent autour de nous. Il ne faut pas avoir peur d'essayer, de se tromper, d'itérer. Mais le plus important est d'agir, car c'est en essayant et en explorant par le faire que les solutions apparaîtront à nos yeux...
Auteur : Sacha Martin, Président AAB et Architecte EPFL
Comments